15 mai 2014

Le caribou danse-t-il ?

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© Dessin Inuit Tapiriit Kanatami (ITK)

Le soir du samedi 10 mai 2014, l’air faussement morose, que j’affiche, et moi-même, nous nous donnions guère grande allure,  avachis-là, exceptionnellement, sur le canapé de la maison familiale, entre un coussin et un petit reste de chocolat de Pâques.

Je pris donc un chocolat. C’est le visage ombragé par les UV de la télé et les cuisses endolories par l’ordinateur, que soudain, mon cœur se mit à battre de l’émotion et à me picoter du chagrin.

Si on me demandait la nature de cet émoi, je répondrais : c’est la Nostalgie. Mon émotivité prenait sa source, depuis une semaine, dans une contradiction sensible des plus personnelles, d’un côté LA JOIE  de suivre au travers le web 2.0,  la 3ème  formation de Mondoblog- Atelier des Médias RFI qui se déroulait du 02 au 12 mai,  en terre ivoirienne, et de l’autre côté, LE REGRET de ne pas en être cette année.  Mais comme me dit mon père : « On n’a que ce qu’on mérite. »

Un œil sur le PC et l’autre vers la télé, j’ai repris un deuxième chocolat. Aaaah ma Mondofamille ! En vous voyant de loin, en vous lisant là-bas, ce samedi-là,  je connaissais déjà ce que vous étiez en train de vivre, une  rencontre Mondobloguesque qui injecte dans les veines une perfusion d’élan et de fougue. UN INOUBLIABLE.

Que vous dire de plus Mondoblogueurs saison 3?  Certainement que je devine déjà qu’il vous faudra quelques semaines pour revenir en entier dans vos pays respectifs, puisque contrairement à vos corps, vos pensées auront encore souvent tendance à flâner du côté d’Abidjan. Rien d’anormal ni d’insupportable, au contraire, c’est là ce qu’on appelle aussi à Mondoblog, le second effet kiss cool. Nombreuses sont encore les fois où je pars récupérer mon esprit dans mes souvenirs dakarois…Inoubliable disais-je !

Sur ces belles paroles, je pris un troisième  chocolat. De la main à la bouche, il n’y a pas grand-chose, mais il y a bien assez pour un geste désordonné. C’est en cherchant mon chocolat, tombé dans les plis du canapé, que mon samedi soir prit une autre courbure. À défaut de n’avoir jamais retrouvé le délice praliné tombé entre la table basse et le canapé, je mis la main sur la télécommande. D’une retrouvaille mondiale de blogueurs francophones, je zappais pour une toute autre rencontre, européenne cette fois-ci.

Du Mondo à l’Euro. Télévision. France 3. 21h47. Les dents noires de praline, je n’ai eu de cesse à me pester dessus. Pourquoi donc n’arrive-je jamais à la hauteur de ma promesse, soit, ne pas encore finir hébétée devant le concours annuel de l’Eurovision ! Chaque année, j’ai beau savoir que ce show chantant donnera à ma soirée le temps de l’interminable, mais c’est plus fort que moi. Que voulez-vous! Certains ont l’élection de Miss France, moi j’ai le folklore chansons et paillettes de l’Eurogroupe.

Comme en œnologie, à l’Eurovision,  il y a des années de grand cru et d’autres de piquette, et puis il y a les autres années, celles du présent qui vous renvoient  à celles du passé.

C’est donc par un soir d’Eurovision 2014, que j’ai décidé de rebrousser chemin. Le souvenir est lisse et clair, c’était un vendredi, un soir d’Eurovision en 1988.  J’avais 6 ans, et au drame de mes frères, et de mes parents, devant la télévision je dansais grec, polonais, moldave, portugais… j’offrais à ma famille du sirtaki, du fado, de la tarentelle, du casatchok …    Mes mouvements européens en ont  brisé des verres et des vases, à l’époque déjà, l’eurosceptique je le balayais d’un coup d’arabesque et d’entrechat. Danseuse étoile je voulais être, danseuse de l’Eurovision je fus !

Jusqu’au jour où… (Je reprends un chocolat, le moment est grave !) … je me trouvais fort dépourvue du moindre mouvement dansant, quand la Suisse expulsa sur scène une chanteuse venue du froid, venue du Canada, une chanteuse québécoise.  Je n’avais pas encore 7 ans , et devant le poste de télévision, les deux jambes clouées sur le tapis,  je cessais alors de danser pour  me questionner:

_ C’est quoi la danse de la Suisse? demandais-je à ma mère.

_ Et celle du Québec ? insistais-je auprès de mon père.

Les réponses n’étant jamais venues, je m’attardais alors sur cette drôle de jeune fille. Elle avait 19 ans et elle s’appelait Céline Dion.

Je me tracassais.  Quel pays se dissimulait derrière tant de frou-frou dans l’allure ? Quelle contrée pouvait bien se cacher derrière tant d’incompréhension dans l’accent ? De l’épaulette de sa veste à sa dentition chancelante, en passant par la dentelle de sa jupe, j’ai comme qui dirait pressenti que le pays de cette Céline-là, pays aux habitants cousins des miens, aura un jour où l’autre de l’écho dans ma vie. Elle m’avait fait un tel effet ! Et il en fallait à l’époque pour m’empêcher de danser, la maudite !

Sa chanson disait « […] Ne partez pas sans moi laissez-moi vous suivre […] »

Partir! Oui ! Mais où Céline ? Au Canada ? Chez toi ?

Je ne suis jamais devenue fan de Céline, disons que je la supporte quand je l’ignore. Cependant de sa première prestation en 1988, j’entends aujourd’hui, sa réverbération du fond de mon canapé. L’écho a sonné!  Vingt-cinq  années ont passé depuis ce soir d’Eurovision-là et Céline Dion ou pas,  je pars, cette année2014, mon visa de travail d’1 an,  vivre à Montréal,  découvrir le Québec et voyager au Canada.

_  Ne partez pas sans moi !  chantait Céline

_ Désolé je pars quand même et sans toi ! répliquais-je

Tous les chemins ne mènent pas à Rome. Partir n’est pas nouveau pour moi, c’est même mieux, c’est devenu mon leitmotiv. Comme un cycle que je m’applique à exécuter tous les 3-4 ans en moyenne. Qui m’aime me suive puisqu’une fuite pour ailleurs n’est pas nuisible quand on l’a choisie.  Cette année, je devais partir pour la Pologne, quand sans m’y attendre, j’ai décroché un autre gros lot, le Canada.

J’ai croqué dans un dernier chocolat. Ce samedi 10 mai 2014, en direct de la maison de campagne familiale, je pensais…

Je pensais à Dakar puisqu’il y avait Abidjan

Je pensais à Mondoblog puisque il y avait la famille

Je pensais à mes années australiennes, bruxelloises, berlinoises puisque se présageaient celles qui seront québécoises

Je pensais à mon blog qui comme moi allait quitter l’Allemagne pour le Canada

Je pensais à cette chanteuse autrichienne à barbe, Conchita Wurst, gagnante de l’Eurovision 2014  puisqu’il y avait eu, un soir une Céline québécoise

Je pensais au film Forrest Gump puisqu’il y avait devant moi une boite de chocolats

C’est bien cela. Samedi-soir dernier, assise sur mon canapé, du chocolat sur le bout des doigts,  je réalisais enfin qu’il avait  raison le personnage de Forrest: la vie c’est bel et bien comme une boite de chocolats, on ne sait jamais sur quoi on va tomber.                      

Quant à la question que pose mon titre, qui sait, la réponse se trouvera peut-être prochainement sur ce blog, que j’embarque dans mes valises entre mes pulls en laine et mes chaussettes, destination le Canada.

 

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Commentaires

ari
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j'adore meine Liebe. Un merveilleux voyage et nouveau destination, avec beaucoup de magnifique persons comme toi! Quand est-ce que tu par? t'as du temps de venir à Amsterdam pour voir mon travail au debut de july? ^^ Tu me manque et mein Französisch is gone schlecht sans toi :*

aurora
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Danke Ari! Du übst deine französische aus, meinen blog lesend, nicht sicher, wie das eine gute Idee ist!!! Dann ist meine deutsche auch nicht mehr so gut! Ich schwöre dich aber ich dachte an dich gestern, weil ich eine WG auf Montreal suche! Une nouvelle aventure commence !!! Je pars dans 5 jours, je t'écris un Email ce week-end!

manon
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C'est génial Aurore, kiffe bien! Et raconte-nous tout! Tu gardes le même blog?

aurora
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Merci Manon ! Un petit break avec Berlin va faire du bien, n'est-ce pas... Oui, mon blog tarabiscoté continue...
Et de ton côté raconte-nous ton "Dreharbeiten", les péripéties ne vont certainement pas manquer.

Serge
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Content que tu aies obtenu ton visa travail pour le canada... je ne sais pas trop, je suis un peu triste quand meme , de savoir que tu pars (sans moi?) ...
Parce que tu seras à la fois loin... et si près ...
Bonne chance là-bas

aurora
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J’adhère très rarement au proverbe qui dit : Loin des yeux, loin du cœur (>_0).